La nouvelle donne internationale

Publié le par Eric Ascensi

Nous poursuivons notre réflexion sur les questions internationales

 

Certains journalistes français, s'appuyant sur les travaux de "cabinets d'études stratégiques" et sur ceux d'authentiques stratèges, mettent en avant ce qu'ils appellent "un nouveau paradigme stratégique" ou, pour être plus clair : la fin du pouvoir dissuasif, pacificateur, des forces armées américaines.

 

Mais il faudrait d'abord commencer, avant de parler de "défaites", par analyser les succès qui, en tant qu'éléments dissuasifs, ont servi de référence à nos théoriciens. Ces "bons vieux temps" d'une Amérique gendarme du monde, que certains font semblant de regretter, sont ceux de la guerre du Golfe, de la guerre des Balkans et du Kosovo.

 

Rappel des faits:

 

- La première guerre du Golfe en 1991 s'est terminée par une cessation des hostilités conclue "au milieu du gué" laissant Saddam Hussein au pouvoir après le repli de sa Garde Républicaine (T.72 en particulier). La dissuasion américaine, initialement, n'avait donc pas fonctionné puisque les conscrits irakiens ne se sont pas retirés du Koweit avant l'offensive et la plupart d'entre eux y ont laissé la vie.

 

- La victoire de Bosnie-Herzégovine en 1996, entérinée par les accords de Dayton, s'est conclue par un compromis honorable mais dont les termes ne faisaient que geler une situation acquise sur le terrain par de "petits guérilleros dépenaillés" ayant achevé leur nettoyage ethnique (maintien d'une Republika Srbska et du corridor de Brcko...). Le coût militaire pour les  autorités serbes de Pale et Belgrade reste encore à définir (exception faite des reconquêtes croato-bosniaques en Herzégovine et dans les enclaves). Mladic et Karadzic courent toujours.

 

- La victoire du Kosovo en 1999. Cet épisode, malgré la déroute des unités serbes en ligne et la destruction d' infrastructures majeures en Serbie, a consacré une partition de fait dont le symbole demeure encore le pont de Mitrovica. Le statut définitif n'est à ce jour pas réglé.

 

Dans tous ces cas de figure, on doit peut-être constater que le "nouveau" paradigme -selon lequel la puissance américano-occidentale n'est plus ni dissuasive ni curative face aux problèmes du monde- n'est pas un problème qui date de la guerre d'Irak mais plutôt de 1989 et de la fin du monde bipolaire ! (n'en déplaise à Renaud Girard ou à Arnaud de la Grange dans le Figaro de ces dernières semaines).

 

Bien sûr, la perception que l'on a de l'Amérique a évolué depuis 1991 -surtout en France et dans les pays arabes- mais à l'époque le défaut de la cuirasse américaine semblait être leur réticence à engager des troupes au sol et à tolérer des pertes dans leurs rangs (la doctrine du zéro mort). On croyait alors l'Amérique rendue obèse et pusillanime, force est de constater que ce n'est plus tout à fait le cas !

 

Pendant ce temps notre média-démocratie se perd dans le sensationnalisme, le voyeurisme et finalement l'autodénigrement parfois agrémentée d'une pointe d'autodérision. Nos médias ont maintenant une règle de base qui consiste à proclamer sans cesse que la défaite est proche. La teneur générale est aussi grossière que celle qui se dégageait de la presse en 1914 et qui consistait à annoncer " La Victoire " à tout bout de champs, quels que soient les problèmes du terrain ! Mais en ces temps là, l'impératif était de mobiliser les énergies et de recruter des héros prêts à aller se faire tuer pour la patrie. Aujourd'hui il s'agit seulement de conforter l'individu dans ses schémas simplistes. Evidemment la difficulté pour les journalistes, dans cette ligne éditoriale tracée d'avance, est d'amorcer certains infléchissements à la lumière d'évènements qui viennent perturber la logique des informations convenues (imaginez aussi nos journaux lors des revers de l'armée française en 1917).  Ceci étant dit, le jour où Al Qaïda frappera Paris je ne doute pas un instant que la presse reprendra à son compte le revirement de l'opinion, quitte à mettre en Une des titres populistes, revanchards, bellicistes ou je ne sais quoi d'autre à la manière de Fox News en 2001.

 

Alors que peut-on encore espérer dans la nouvelle donne à venir ? Que les plus sages triomphent sous toutes les latitudes, en pensant d'abord au Liban, à la Turquie , à l'Iran et à la Russie.   Faudra t-il, au pire, attendre l'ère des "unmanned weapons", des robots-guerriers ou, mieux, celle des armes non létales en 2050 ? Ce jour-là peut-être pourrons-nous rêver d'une suprématie occidentale adoucie dans un monde qui, faute d'être complètement apaisé, sera au moins réorganisé ! Un moindre mal qui, pourtant, à des allures de cauchemar pour beaucoup.

 

Eric Ascensi

 

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M
Effets de manche et réalité....L'actualité internationale nous en donne aujourd'hui même une illustration...<br /> Dans une de ses cérémonies de voeux, Chirac fustige l'unilatéralisme....c'est à dire critique à mots couverts les E.U., se positionne  en donneur de leçons  et en grand maître du verbe....Le même jour Angela Merkel  envisage de nouveaux rapports transatlantiques , rencontre Bush et obtient de lui une réunion du quartette et de vraies initiatives pour la paix au Moyen Orient......
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M
Il semble, d'après les premiers résultats qu'en Iran les élections traduisent un échec des ultras conservateurs d'Ahmadinejad.....Si cela se confirmait ce serait une excellente nouvelle....<br /> Raison de plus pour condamner  la volonté exprimée par Ségolène Royal, seule dans toute la communauté internationale, de refuser le nucléaire civil aux Iraniens....Ce qui aurait pour effet de rejeter ces modérés, par réflexe national vers Ahmadinejad, au moment où ils s'en écartent...
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M
Oui, Josh, vous avez raison de poursuivre en mettant en évidence la position incompréhensible  de Ségolène Royal sur le nucléaire civil Iranien...C'est sans doute son dérapage le plus grave......
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J
Avant de passer à autre chose peut-on rajouter un dernier point (cerise sur le gâteau ou "icing the cake" en anglais) et s'interroger sur la portée de la déclaration de Mme Royal qui déclare s'opposer à ce que l'Iran accède au nucléaire... civil ! (en vertu de quoi et avec quels moyens ???)
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M
Un dernier mot sur le voyage de Ségolène Royal au M.O.....et puis on pourra passer à autre chose. <br /> Françoise de Panafieu, candidate UMP à la Mairie de Paris, était aussi ces jours derniers en Israel......Dans un grand hôtel de Jerusalem (ou de Tel Aviv) elle a été amenée à croiser Ségolène, qui a refusé de lui serrer la main........<br /> De même qu'elle n'avait pas "entendu "le député du Hezbollah....peut-être Ségolène  n'avait-elle pas "vu" Françoise de Panafieu.... 
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