Quelle croissance?

Publié le par Jean-Paul Lahaye

Jean-Paul Lahaye nous avait présenté le livre d’E. Pisani, « Vive la révolte », dans un article intitulé  « Des racines et des ailes…Merci M. Pisani »….. Depuis il illustre et  prolonge ce livre par une série d’articles que nous publions régulièrement et que vous pouvez retrouver sur ce blog….  Après  « réinvestir le politique dans son rôle de médiation », puis « Qu’est-ce que le libéralisme ? », voici « Quelle croissance ? »…..

 

 

L'Europe à l'aube d'une civilisation nouvelle.

 

 

Certains d'entre nous, de plus en plus nombreux, souhaitent une politique qui inspirerait la confiance plutôt que la peur, et que l'on mette au centre du débat la question du développement plutôt que celle de la sécurité.

 

Face aux délocalisations qui taillent des coupes à blanc dans des régions entières, ils en appellent à la recherche, à l'innovation et à l'économie de la connaissance. Pourquoi ? Parce que dans le monde, tel qu'il est, nous n'aurions pas d'autre choix : miser sur la croissance ou être condamnés au déclin.

 

Et ils ont raison, sans doute. En tout cas, ils en sont bien convaincus et ils ont peu de détracteurs crédibles aux yeux de l'opinion. Aussi, poussant leur avantage, à ceux qui leur font remarquer que la globalisation fait des dégâts, ils répondent que le "solde est positif". Ainsi, pour ne parler que de la France , en 2005, nous aurions créé deux fois plus d'emplois que nous en avons perdus.

 

Alors, de quoi se plaint-on ?

 

De ce que nos repères s'évaporent. De ce que nos liens se délitent. De ce que notre environnement se dégrade… A cet égard, qui peut affirmer que le solde est positif ?

 

Hélas, il n'y a pas de poste "bonheur" dans le plan comptable des chantres de la mondialisation. La compétition, en effet, ne fait pas relâche. C'est une guerre. Et il faut vaincre ou mourir.

 

Là se profile, argentée, froide mais inoxydable, une vieille lune philosophique qui brille depuis l'Antiquité : le moteur de l'histoire, ce n'est pas la paix, c'est la guerre.

 

Sans doute. Cependant, c'est aussi dans la guerre que se forgent les communautés. Choisir son camp, unir ses forces, partager un projet et des valeurs et faire assez sentir sa puissance pour ne plus avoir à les défendre : ainsi sont nées les grandes civilisations.

 

Les civilisations soudent les peuples, accueillent les hommes, les idées, les sciences, les arts et les lettres. Elles protègent toutes les religions et assurent leur coexistence.

 

L'Europe possède encore cette capacité. Saura-t-elle, pourra-t-elle encore la  faire valoir dans monde tel qu'il est ? Ce n'est pas sûr. Car elle en but à des forces contraires.

 

Les forces contraires de la civilisation se nomment "idéologies". Les idéologies veulent imposer leurs "vérités". Elles n'accueillent pas. Elles excluent.

 

Bien sûr, les idéologies, ce sont les communautarismes, les intégrismes et, de plus en plus, leurs menaces terroristes. Cependant, aujourd'hui, la pire des idéologies n'est pas celle de l'argent ? Plus l'argent règne, plus il dévalue ce qui ne s'achète pas : des relations vraies, le respect de la personne humaine, la préservation des espèces et des équilibres naturels… Voilà de quoi - en tant qu'hommes - nous sommes comptables et, par conséquent, ne pouvons passer par "Pertes et profits".

 

C'est pourtant bien ce qui est en train de se passer.

 

Dès lors, il est tout à fait impossible de faire plus longtemps l'économie de cette question : la croissance, oui, mais quelle croissance ?

 

Quelles sont les forces politiques qui posent cette question en ces termes et proposent des réponses cohérentes ?

 

Pour ne parler que de l'Europe, il y a bien les pays du Nord. Cependant, ils restent des exemples assez isolés et trop peu imités. Et, pour cette raison peut-être, ils sont de moins en moins européens. Face à ce déclin de l'idée européenne, les puissances pragmatiques comme l'Allemagne, pourtant très sensibilisée à la question du développement durable, choisissent, légitimement de rechercher leur salut sur la scène de l'économie mondialisée.

 

La France a pris l'écrasante responsabilité de bloquer le moteur européen, sous l'influence de forces réactives qui n'ont d'autres liens entre elles que la peur et le rejet. Le non n'est pas une réponse suffisante. Il faut encore savoir à quoi l'on dit oui ensemble. Et, là, il n'y a plus rien de cohérent.

 

C'est vrai, aujourd'hui, l'Europe apparaît bien faible et divisée. Pourtant, il faudrait peu de choses pour que cela change. Notre continent, en effet, ne manque pas d'atouts pour voir se lever sur lui l'aube d'une civilisation nouvelle. Car ses principales faiblesses sont aussi de grandes forces potentielles. Dans un contexte économique et idéologique mondial de plus en plus tendu ses divisions l'affaiblissent trop pour ne pas inciter ses états historiques à renforcer leurs alliances. L'accroissement du coût des ressources fossiles et sa dépendance énergétique ne peuvent que lui dicter de s'engager davantage dans la voie du développement durable. Le vieillissement de ses populations et les pressions migratoires qu'il subit devraient le conduire à raffermir ses valeurs pour mieux assurer l'intégration des migrants, tout en renforçant ses coopérations avec leurs pays d'origine.

 

L'Europe possède ces cartes-là. Elle pourrait les abattre pour son plus grand profit. Ses opinions publiques y sont prêtes. Il ne manque que l'impulsion. D'où viendra-t-elle ?

 

N'est-ce pas la mission d'une gauche réinventée ?

 

 

Jean-Paul Lahaye

 

 

Publié dans Economie et social

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M
Oui Jean-Paul tu as raison d'en appeler à l'action d'une Europe unie, et nous faisons ce que nous pouvons pour relancer cette idée, la faire figurer dans le débat politique. <br /> Oui aussi à une action coordonnée avec les forces de gauche européennes, qui ont su se rénover et qui, à la différence d'une gauche française conservatrice, vont de l'avant .....<br /> Une remarque: la compétition , la concurrence sont des   réalités et ce sont elles qui permettent à nos sociétés d'avancer......Nous devons, dans un double mouvement nous y adapter ET chercher à les réguler à les humaniser. .....
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