Soutenir Ségolène Royal ? Réponse à Gabriel Cohn-Bendit
Cher Gaby,
Dans l’excellent article que tu as bien voulu nous adresser, tu manifestes ton soutien à Ségolène Royal pour l’élection présidentielle, et tu accompagnes ce soutien d’arguments qui ne peuvent que me toucher et toucher, je pense, nos amis d’IES.
Bien entendu, comme toi je suis sensible à l’annonce de renouvellement que semble apporter Ségolène Royal.
Renouvellement d’abord parce que cela nous change des éternels éléphants, de Lang à DSK, de Jospin à Fabius qui, depuis plus de vingt ans, monopolisent la parole et les interventions au PS.
Renouvellement dans la démarche basée en grande partie et d’abord sur l’écoute, sur l’attention aux questions concrètes de la vie de nos concitoyens, sur la démocratie et la participation citoyenne.
Renouvellement aussi dans le discours, et ce que tu rappelles à propos de son jugement sur la politique de Tony Blair, sur l’école, on pourrait y ajouter aussi ce qu’elle dit sur les 35 heures, ne peut que nous réjouir et nous intéresser….Oui Ségolène Royal nous intéresse et nous ne sommes pas indifférents à ce qu’elle apporte ou semble apporter de neuf.
Et pourtant, je ne me sens pas prêt, aujourd’hui en tous cas, à soutenir sa candidature.
D’abord parce que quelques phrases agréables ne font pas une politique ou un programme. A ce propos justement, elle a déclaré que son programme serait « socialiste » et serait celui du PS……Or, et tu le sais parfaitement, tout laisse à penser que le programme ou le « projet » socialiste sera conforme à la « synthèse du Mans » encore aggravée par le désir de se concilier le PC et de ne pas s’aliéner l’extrême gauche…Un programme qui sans tourner le dos à l’Europe donnera sur l’essentiel satisfaction aux tenants du « NON » du 29 mai, qui prévoit l’abrogation pure et simple des lois Fillon sur l’école et les retraites (par quoi les remplacer ?), qui ne prévoit aucune des réformes de structure nécessaires, qui n’envisage aucune réduction des dépenses publiques seul moyen de limiter nos déficits et la dette abyssale qui est la nôtre, qui prévoit au contraire d’augmenter encore ces dépenses, un projet qui n’a rien appris de la réalité en ce qui concerne des sujets comme la sécurité….
Quels que soient ses idées ou ses souhaits j’ai bien peur que Ségolène Royal, encore moins que d’autres peut-être, ne puisse s’affranchir du programme de son parti, comme avait su le faire à une certaine époque un François Mitterrand… Incapable de s’affranchir non plus de ses alliances qui lui lient les mains….Tu aimerais bien y croire…. Mais penses-tu vraiment qu’elle sera capable de cette ouverture conditionnelle vers l’UDF et d’autres mouvements proches du centre que tu souhaites et qui est au cœur de la stratégie qui est la nôtre (nous avons co-signé l’article « Oui au Centre », le premier publié par ce blog…) ?
Pour ma part, aujourd’hui, j’ai le sentiment qu’elle ne pourra s’émanciper de son parti et donc que son éventuelle élection n’apporterait rien de plus que celle d’un autre éléphant. Reste sa capacité, plus grande que celle des autres, penses-tu, à battre le candidat de droite….Attendons de voir les premiers débats et les premiers coups durs…
Voilà cher Gaby, je ne veux pas ignorer et certainement pas rejeter ce que tu, écris, mais, à ce jour, je trouve plus utile de m’engager pour faire avancer les idées et les objectifs qui sont les nôtres, et chercher à favoriser l’existence et le développement d’un centre gauche réaliste, novateur et ambitieux, à favoriser l’émergence d’une candidature qui pourrait l’exprimer …. C’est le combat des mois qui viennent…
A toi.
Marc d’Héré