Ce sont les salariés qui demandent des heures supplémentaires
Questions à Laurent Wauquiez, secrétaire d’Etat à l’Emploi.
Recueilli par MURIEL GREMILLET
Libération : mardi 15 avril 2008
Secrétaire d’Etat à l’Emploi, Laurent Wauquiez revient sur la polémique concernant l’efficacité des heures supplémentaires détaxées, qui l’a opposé au président de la commission des finances de l’Assemblée, le socialiste Didier Migaud.
La gauche critique l’efficacité des heures sup, expliquant que l’Etat va dépenser 4,1 milliards d’euros pour qu’une partie des salariés bénéficie de 3,78 milliards sans grand effet. Est-ce que ça marche ?
Le dispositif monte en puissance. La critique de Didier Migaud se fonde sur des résultats partiels, sur des chiffres qui ne montrent qu’une évolution sur trois mois. Cette critique est très technique, très macroéconomique et très loin de la réalité qui est vécue sur le terrain par les salariés.
Pour vous, les entreprises sont satisfaites ?
Aujourd’hui, le nombre d’entreprises qui utilisent les heures supplémentaires est passé de 38 % en octobre 2007 à 54 %. Et le dispositif fonctionne très bien dans les entreprises de plus de 500 salariés, elles sont 80 % à l’utiliser. Notre problème est que nous n’avons pas de suivi mois par mois de l’évolution des heures supplémentaires. En volume, selon les chiffres de la Dares [ministère du Travail, ndlr], si on compare le quatrième trimestre 2007 à la même période en 2006, on constate que le nombre d’heures supplémentaires augmente de 28 %. C’est bien la preuve de l’effet très important du dispositif initié dans le cadre de la loi Tepa.
Vous considérez que les salariés se sont approprié les heures sup, alors que légalement ils ne peuvent pas en faire à leur convenance.
Plongez dans la réalité du monde du travail ! Les heures sup ont eu aussi un vrai impact sur les mentalités. Dans les entreprises, ce sont les salariés qui demandent à faire des heures sup, car ils savent que c’est un vrai moyen d’améliorer leur salaire. Les 35 heures avaient créé une vraie distance à l’égard du travail, puisque de toute façon il ne payait pas. Aujourd’hui, ils vivent une vraie révolution culturelle.
La querelle porte aussi sur la réalité du gain salarial…
Un salarié au smic, qui fait 4 heures supplémentaires par semaine, peut espérer toucher à la fin de l’année 1 980 euros, sans avoir à payer de cotisations salariales ni d’impôt sur le revenu sur cette somme. C’est un gain de 17 % de salaire net.
Certains, y compris à droite, ont critiqué le coût budgétaire de la mesure, 4,1 milliards d’euros pour 2008.
Les neuf dixièmes de cette somme vont directement aux salariés, aux plus modestes. On sait que les ouvriers et les employés font six fois plus d’heures sup que les cadres. L’effet est réel sur le pouvoir d’achat, comme l’a souligné Christine Lagarde.
Et en termes macroéconomiques, le jeu en valait-il la chandelle alors que la situation budgétaire est très tendue ?
La mesure a été décidée l’été dernier, juste avant les turbulences économiques que nous connaissons. Si aujourd’hui la consommation continue à être solide en France, c’est aussi parce que notre politique a permis aux smicards d’avoir un 13e voire un 14e mois. C’est une mesure qui coûte de l’argent à l’Etat, mais c’est un bon choix que d’injecter 4 milliards d’euros dans l’économie à destination des salariés. Cet argent n’est pas un chèque en blanc, il est lié au travail. Aujourd’hui, les salariés ont condamné dans leur tête les 35 heures. Nous sommes sortis de la spirale dépressive du travail, d’autant que nous n’avons jamais créé autant d’emplois en France.