Bayrou l'amnésique?
Le débat de
Pierre Mendès-France aurait eu cent ans cette année (il est né le 11 janvier 1907).
François Bayrou est gonflé de parler de lui comme il le fait. Dans le
journal « Libération » du 15 mars 2007, il indique que son modèle de
gouvernement était celui de la grande coalition allemande. Au journaliste
qui le relançait par la question suivante : « Mais cela ne s'est jamais
produit en France ! », il a répondu : « Cela s'est produit deux fois autour de Pierre Mendès-France et autour de De Gaulle ».
L'héritier du MRP (Mouvement Républicain Populaire), lui-même ancêtre du CD
(Centre Démocrate) de Jean Lecanuet, premier patron politique de François
Bayrou, devrait moins torturer l'histoire.
Pierre Mendès-France est choisi une première fois par le Président René Coty, pour former un gouvernement.
Le débat d'investiture s'ouvre le 3 juin 1953 à la Chambre des députés.
Immédiatement une campagne s'engage contre lui sur le thème
« Mendès le bradeur » (d'empire), « Mendès le crypto-communiste ». A la
pointe de ce combat on trouve le MRP. à l'exception notable de Robert Buron,
le député de Mayenne. Mendès-France n'obtiendra pas l'investiture. Il aura
301 voix, il lui en fallait 314. René Coty se repliera sur un notable
normand, Joseph Laniel.
La crise s'accentuant avec la guerre d'Indochine, le Président de la
République revient vers Pierre Mendès-France et lui confie la Présidence du
Conseil le 13 juin 1954. Le débat d'investiture commencera cinq jours plus
tard : ce sera son 18 juin à lui ! Cette fois il sera investi par 419 voix
contre 47 et 147 abstentions. Parmi ses adversaires les plus acharnés on
comptera toujours le MRP. à l'exception de Robert Buron et de André Monteil.
le député de Quimper ! Au premier Pierre Mendès-France confiera le ministère
de la France d'Outre-Mer, au second celui de la Marine. Le MRP les
sanctionnera en les excluant du groupe parlementaire (sous la IVème
République les ministres ont le droit de vote à la Chambre ).
Pierre Mendès-France et son gouvernement seront renversés le 4 février 1955.
273 députés lui conserveront leur confiance ; 319 la lui refuseront ; il y
aura 22 abstentions. Le MRP sera là encore à la pointe du combat
anti-Mendès. Il ajoutera cette fois une raison supplémentaire : Pierre
Mendès-France ne s'est pas engagé dans la Communauté européenne de défense
que la Chambre des Députés refusera de ratifier le 30 août 1954.
François Bayrou ferait bien de relire ces pages de notre histoire. Elles
augurent mal de ce qu'il propose. Qu'il n'oublie pas non plus ce que dit
alors François Mauriac du MRP. Il dénonçait ce parti des « pieux renards »
qui a étranglé « Mendès-France entre deux portes ».
Bernard POIGNANT
Député européen