Grands enjeux,

Publié le par Bernard Kouchner

Le 9 mai, Bernard Kouchner tenait une réunion de sa "fabrique démocratique" à Paris...Le même jour il publiait cette tribune dans Libération.....Bernard Kouchner  continue à rencontrer les Français..pourra-t-il être au grand rendez-vous de 2007? Nous pouvons l'y aider...

Une fois encore, la gauche se complairait-elle dans une surenchère de méfiance, de division et de coups bas, se préparant avec une obstination rare à rater le rendez-vous que lui ont fixé les Français ?

A un an de l'élection présidentielle, le parti socialiste se lance dans des guerres intestines, au mépris de ses propres intérêts et de ceux de son camp. Après les réactions machistes de l'automne, l'heure est venue du procès en féminisme insincère : la «pipolisation», que tous pratiquent, mise à l'index ; le porte-parole du parti accusé de ne pas respecter la neutralité qu'impose sa fonction ; le premier secrétaire soupçonné de partialité : tout est bon pour déstabiliser celle qui est aujourd'hui la favorite des médias... Et cela ne fait que commencer. La chasse aux cartes est ouverte, rappelons-nous cet élu qui n'a pas été sanctionné en dépit de propos inacceptables...

Nul doute que ces procès d'intention frapperont avec la même violence autodestructrice celui ou celle qui occupera demain la place exposée de favori. Pour quel résultat ? Sans être devin, on peut pronostiquer que l'actuelle direction du parti socialiste en sortira affaiblie, chacun de ses membres étant par nature suspect d'être lié à l'un des prétendants. Certains chercheront peut-être à justifier ainsi l'appel à un deus ex machina...

Il y aura à coup sûr un perdant à ce combat sans fin : le débat de fond. Où sont donc les idées ? Qu'advient-il du programme si ses concepteurs s'affairent à s'entre-déchirer ? Quand parlerons-nous des vrais enjeux de la France ? A quand le temps du projet ? Par ses divisions et ses querelles de personnes, le parti socialiste est en train d'enfermer la gauche et le pays dans un débat politicien dont les Français ne veulent plus : ils l'ont rappelé avec véhémence à chacun des précédents scrutins.

Cette campagne éclatée et ces querelles déplacées ne peuvent favoriser ni la lucidité nécessaire à cette étape de la transformation du monde ni la place que peut et doit reconquérir la France, pour le bien, d'abord, de tous les Français. Et pour retrouver son rang et sa voix dans la mondialisation.

On m'objectera que c'est là le jeu traditionnel des partis, la norme démocratique en période préélectorale. Je crois pourtant que nous pourrions faire autrement, proposer d'autres règles du jeu, pour d'autres résultats. Les idées larges dont nous avons besoin pour mener ensemble le renouveau du pays nécessitent une ouverture à tous les niveaux.

La gauche italienne vient de nous donner l'exemple d'un débat inventif, dynamique et victorieux. Même si certains trouvent que la victoire de Romano Prodi est étriquée et sa coalition fragile, je leur rappellerai qu'il a gagné contre la puissance médiatique, la corruption généralisée, la mauvaise foi et le populisme de son tout-puissant adversaire. Et si la gauche de Prodi a gagné, c'est avant tout parce qu'elle a su changer de manière de faire. A un programme élaboré par des écuries éprouvées, elle a opposé la concertation démocratique des citoyens et des associations. A la désignation dictée par des jeux de courants, elle a préféré une vaste consultation de tous les électeurs de gauche, sollicitant près de quatre millions d'Italiens, qui ont donné à Romano Prodi une incomparable légitimité.

Il n'est pas trop tard pour nous inspirer de sa réussite. A mon échelle, modeste, mais passionnante, j'ai entrepris à travers la France une tournée à la rencontre des citoyens, pour écouter leurs envies et collecter leurs idées. La consultation se poursuit sur l'Internet (1), et il me semble que la gauche tout entière devrait adopter cette posture d'écoute et d'ouverture.

Quant aux primaires de toute la gauche, on dit qu'elles seraient impossibles à mettre en place.Je soutiens que ce n'est pas vrai. J'ai organisé en trois mois des élections démocratiques et contrôlées dans le Kosovo en guerre.
Dès le mois de septembre, avec un peu de courage, nous pourrions ouvrir tous les locaux des partis de gauche, tous les sièges d'associations amies, et y tenir des bureaux de vote. Les électeurs se reconnaissant dans les valeurs de la gauche pourraient venir y déposer un bulletin, en signant un papier autorisant la publication de leur nom, et en versant un euro destiné à financer l'opération. Celui ou celle qui sortirait vainqueur de cette désignation démocratique, organisée sur la base de projets, en tirerait une incomparable légitimité.

La gauche qui aspire demain à gouverner la France serait-elle incapable d'organiser un processus aussi simple ?

Bernard Kouchner 

(1) www.lafabriquedemocratique.fr

Publié dans Vie politique

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M
Bernard Kouchner a raison.  A ce stade l'important est l'écoute et le débat de fond. Aidons le à le mener. <br /> marc
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M
François Bayrou a voté la censure et affirmé son intérêt pour le centre gauche....Bernard Kouchner qui peut être considéré comme un représentant de ce centre gauche réformiste et ambitieux, s'est félicité du courage de Bayrou et affirmé pouvoir travailler avec le centre droit....Cette conjonction des centres, sur une claire politique  réformiste,   pourlaquelle s'est constitué IES, commence à devenir une perspective alors qu'il y a quelques mois elle apparaissait totalement utopique....Nous n'y sommes pas encore, mais on commence à réaliser que c'est une possibilité. <br /> Plus que jamais nous devons agir pour renforcer ce que nous appelons le centre gauche, car cette éventuelle réunion des centres ne sera envisageable que si le centre gauche est assez fort pour entraîner  et pour oser dépasser la "gauche plurielle"...<br /> marc
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J
Monsieur Kouchner, si les éléphants pouvaient vous entendre. Leur surdité semble, malheureusement, réelle et durable.
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M
Vous trouverez sur le site de Bernard Kouchner www.lafabriquedemocratique.fr, le compte rendu video de cette réunion du 9 mai, ainsi que celui de la réunion du 3 mai lorsqu'IES avait reçu Bernard Kouchner à l'Entrepôt...<br /> Prochaines réunions de La fabrique: Lyon le 1er juin, Rennes le 8, Nîmes le 15....<br /> marc
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