C'est quoi la rénovation?

Publié le par Bernard Poignant

Encore sur le thème de la rénovation du PS, Bernard Poignant m'adresse ce point de vue, publié aussi par Le Monde du 30 août...


Dès que le Parti socialiste perd une élection alors qu’il la pense imperdable, le même refrain revient et les mêmes mots renaissent : rénovation, refondation, reconstruction, renaissance, régénération etc... Ce ne fut le cas ni en 1974 avec François Mitterrand, ni avec Lionel Jospin en 1995. Ces deux échecs étaient prometteurs. Le premier était le rendez-vous présidentiel après le Congrès d'Epinay de juin 1971. Le second suivait la quadruple catastrophe électorale de 1992 (cantonales et régionales), 1993 (législatives) et 1994 (européennes). L'échec de 2007 suit au contraire les trois triomphes du printemps 2004.


Le Parti communiste a connu lui aussi ses tentatives de relance : reconstructeurs avec Marcel Rigout, rénovateurs avec Pierre Juquin, refondateurs avec Charles Fiterman. Tout cela pour finir avec les 1,93% de Marie-George Buffet le 22 avril 2007. Il ne faut donc pas suivre son exemple et se montrer ouvert aux évolutions nécessaires.

 La droite a aussi connu cela après sa cuisante défaite de mai 1988. Ses rénovateurs sont sortis du bois avec le résultat que l'on connait.  : Barzach disparue, DeVilliers marginalisé, Noir, Millon et Carignon ostracisés, Juppé retiré, exilé puis battu, Seguin éliminé du jeu, Toubon écarté...et Chirac toujours là, vainqueur en 2002.

 Le Parti socialiste a déjà vécu quelques moments qui l'ont ébranlé. Après la défaite législative de 1978, Michel Rocard veut rénover mais c'est François Mitterrand qui sera élu le 10 mai 1981. Après la déroute législative de 1993, Michel Rocard prend les rênes avec la même intention mais c'est Lionel Jospin qui mènera la campagne en 1995 et gagnera en 1997. En 2002, son élimination après cinq ans d'exercice du pouvoir tétanise tout le monde. La division sur le traité européen en 2004 et 2005 fera le reste.

 Au total, une seule refondation se sera révélée féconde : celle du Congrès d'Epinay en 1971. Elle suit la lourde défaite de juin 1968 aux élections législatives et l'absence de la gauche au second tour de l'élection présidentielle de juin 1969. Elle se fait avec le concours d'un « nouvel arrivant » dans la politique : François Mitterrand, onze fois ministre sous la IVème République et ancien membre du gouvernement de Guy Mollet de 1956-57. Comme quoi il faut se méfier du piège des mots. L'histoire ne se répète pas. Elle apporte quelques leçons et permet la distance.

 Aujourd'hui, il est bon de faire un tour d'horizon de ce que les uns et les autres mettent derrière le mot "rénovation".

 Certains se contenteraient de changer le Premier secrétaire : patience, François Hollande quitte sa fonction en 2008 ! D'autres veulent un renouvellement générationnel, mais la direction n'est pas si vieille que cela : il suffit de s'intéresser à nos secrétaires nationaux et on verra à l'écran beaucoup de têtes nouvelles ! Féminiser, diversifier avec les hommes et les femmes issus de l'immigration : tout cela peut se faire mais ne change pas la politique pour autant.

 D’autres imaginent de changer le nom du Parti Socialiste. Il ne faut pas avoir honte de son étiquette. Les seuls qui ont changé leur nom à gauche sont plusieurs partis communistes pour s’appeler…. partis socialistes ou partis sociaux-démocrates.

 Que peut-on alors entendre par rénovation ? Je vois quelques pistes utiles à emprunter, de nature idéologique politique et culturelle, avant d'être programmatique.

 Un autre regard sur la mondialisation d'abord. Celle-ci est un fait du XXIème siècle. Elle reprend son cours historique ouvert au XVème siècle et interrompu entre 1914 et 1991 par deux guerres mondiales et une guerre froide jusqu’à la dissolution de l'Union soviétique. Trop souvent à gauche, dans les esprits, cette mondialisation est perçue et même présentée comme la menace et le risque suprêmes. Dans ce cas la réaction  est le repli et la peur, donc la fermeture et la frilosité. La mondialisation est certes un défi mais c’est aussi une nouvelle chance pour la France et l’Europe. Il faut être présent comme Pascal Lamy à l’Organisation Mondiale du Commerce et peut être Dominique Strauss Khan au Fonds Monétaire International.

 Un comportement décomplexé face à l'extrême-gauche et aux associations qui s'en recommandent certainement. Trop longtemps les socialistes ont été culpabilisés par leurs voisins de gauche, communistes léninistes d'abord trotskystes aujourd'hui. Eux aussi ont besoin de se rénover, mais s'y refusent. Adressons-nous à leurs électeurs qui les choisissent mais soyons totalement nous-mêmes, réformistes, sociaux-démocrates, sociaux-libéraux même. Ils sont le passé. Soyons l'avenir.

 Un engagement soutenu pour l'Europe ensuite. Les socialistes doivent rester un des fers de lance de la construction européenne. On ne peut pas devenir le "schtroumpf grognon" de l'Europe. Un traité constitutionnel nous a divisés. Le second traité doit nous réunir. Nous ne devons pas faire la fine bouche pour chaque avancée de l'Union. Si nous attendons l'Europe idéale, elle ne sera jamais là. Si chacun exige l'Europe de ses rêves, l'impuissance sera au bout du chemin. Le prochain rendez-vous sera le traité réformateur ou modificatif : je voudrais qu’aucun socialiste ne lui dise non.

 Dédiaboliser le mot "libéral". L'extrême-gauche a réussi son coup : faire passer ce mot totalement à droite. Pourtant sa racine emprunte à "liberté". Oui nous sommes des libéraux sur les plans politique et culturel. Nous ne sommes certainement pas des "totalitaires", le pendant de cette expression. Nous sommes aussi des partisans de l'économie de marché, en ce sens des libéraux. Nous ne sommes pas des ultra-libéraux qui cherchent à faire reculer l'Etat et toute institution sociale. Sur ces plans, ne rasons pas les murs et ne nous cachons pas.

 Enfin, contribuons, par notre rénovation, à l'apaisement des rapports politiques. Les Français sont lassés des affrontements idéologiques voire dogmatiques. Ce fut une intuition de François Bayrou avant le 1er tour des présidentielles : il suggérait même Dominique Strauss-Kahn comme Premier ministre. Ségolène Royal a suivi la même intuition entre les deux tours : elle n'excluait même pas François Bayrou comme Premier Ministre. Nicolas Sarkozy s'en est inspiré après son élection : Bernard Kouchner et quelques autres sont ainsi devenus ministres. Dans l'histoire de la France, il y a des moments à comprendre : en 1914, face à l'agression c'est l'Union sacrée ; en 1944 avec le Libération et pour la reconstruction c'est le tripartisme ; en 1958 devant la décolonisation et la guerre d'Algérie c'est le gaullisme et la SFIO même si certains refusent ; en 2007 (et même avant si Chirac l'avait voulu), face à la mondialisation, il y a comme une aspiration à l'entente nationale. Le Parti socialiste ne doit pas se fondre dans le piège de l'ouverture. Il doit avoir l'intelligence de comprendre la période.

 Reste la question stratégique autour des alliances. L'extrême-gauche ne veut pas gouverner, au moins c'est clair. Le Parti Communiste va vivre ses dernières années. Les Verts ne décollent pas depuis trente ans. Certains radicaux sont tentés de rejoindre leurs frères de l'autre rive. Les amis de J.P. Chevènement ont un horizon restreint devant eux. Il y a deux solutions : ou le PS réussit à franchir la barre des 35% à lui seul ou il regarde d'autres alliés, notamment le Mouvement Démocrate. Il ne faut pas fermer la porte à condition de connaître la plateforme de ce parti aujourd'hui inexistant, de vérifier sa propre stratégie qui ne peut pas être tantôt l'UMP, tantôt le PS. Il faut choisir. Cette stratégie ne doit pas être à géométrie variable selon qu'il s'agisse d'élections nationales ou locales.

 Faut-il changer la Déclaration de principes du Parti socialiste qui fonde l'adhésion de chacun de ses membres ? Ce fut fait il y a 20 ans. Fut alors abandonné  la référence à l'appropriation collective des moyens de production et d'échange comme moyen pour aller vers le socialisme. Son caractère révolutionnaire a été atténué au profit de la phrase suivante qui figure toujours dans ce texte : "Le Parti socialiste met le réformisme au service des espérances révolutionnaires". On peut faire mieux mais l'économie de marché a été ce jour-là reconnue. Il nous faut un réformisme plus affiché et mieux assumé, un étatisme moins affirmé et moins systématique, une stratégie plus ouverte et moins exclusive.

 Pour tout cela, il faut un parti qui ose faire abstraction du rythme des élections. Comme il y en a chaque année d’ici 2012, on trouvera de bonnes raisons de reporter notre « rénovation ».

 

Et puis, surtout, on ne peut tout de même pas demander à la Gauche d'être de Droite pour prix de sa modernisation.

Bernard Poignant
Député Européen - PSE

Publié dans Vie politique

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M
Pas si minuscule que ça ce "pôle" de gauche, et les demandes de contact ou d'adhésions ne cessent pas.....Je suis un de ceux qui les "suivent" et je peux t'assurer que c'est un vrai boulot!.....Quand aux 13 milliards d'Euros en cadeau aux riches c'est assez "gros"comme argument....Tu es sacrément gonflé!....Sur ces 12 ou 13 milliards 6 concernent la défiscalisation et la suppression des charges des heures supplémentaires....cela va donc profiter aux ouvriers et employés qui feront des HS.....Et accessoirement à l'économie en général.....Sur les 6 milliards restant, 3 ou plus concernent la déduction des intérêts sur les prêts d'achat de sa residence principale.....Profiteront  donc à la classe moyenne pour l'essentiel....Restent 2 ou 3 milliards sur lesquels il faut compter les mesures en faveur des étudiants.... et d'autres qui concernent tout le mondeAu mieux 1 ou 2 milliards d'Euros concernent les "riches" (que tu n'aimes pas sans doute comme Hollande...)...Et encore on peut estimer que le bouclier fiscal par exemple s 'il permet d'éviter que des milliards s'investissent à l'étranger plutôt que chez nous, aura profité à tous......(petit détail, les projections faites signalent que ce bouclier fiscal profitera à plus de 150.000 foyers de "pauvres"...)Enfin, Sarkozy commence à rencontrer des difficultés c'est vrai et c'est normal.....Sa côte de popularité s'écroule à.....62%!.......
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J
Arretons de faire croire qu'il y a une place dans le pole de droite et d'extrème droite autour de Sarkozy pour une tendance de gauche capable de rénover la gauche.L'histoire nous montre que jamais cela n'est arrivé et il y a une raison simple à ce constat :les valeurs ne sont pas les memes et donc les projets politiques sont differents.Qu'il faille un dialogue et des compromis pour les enjeux  fondamentaux de notre pays,bien sur,mais cela ne gomme pas les différences entre la gauche et la droite :exemple de la grande coalition en Allemagne ou le travaillisme blairiste et les conservateurs en G.B.  En France toute la gauche non marxisante est pour l'économie de marché,une partie majoritaire du P.S.est pour la réforme des régimes speciaux de retraite(déclaration de F.Hollande)et la C.F.D.T.aussi qui ne s'est absolument pas située dans la mouvance sarkozyienne.Je pense que pour qu'il y ait débat il ne faut pas faire de caricatures fausses,rendre compte des évolutions importantes au P.S.qui ne signifie nullement un ralliement à Sarkozy.D'ailleurs celui-ci commence à etre tres contesté dans son camp :propos de Mehaignerie président de la commission des affaires apres avoir été celui des affaires économiques et centriste important,déclaration de de Villipin ,du meme parti que Sarkozy ,et meme celle de Lagarde sur la perspective d'un plan de rigueur.Il faut dire et redire que la seule mesure de fond de Sarkozy : le cadeau de 13 milliards d'euros par an aux riches au nom de la stimulation de la demande a été une erreur gigantesque qui risque de plonger la France dans une grave crise économique :accroissement des déficits publics rendant impossible le retour à l'équilibre en 2012 comme promis à nos partenaires européens qui d'ailleurs le souhaitait en 2010 et du solde négatif de la balance commerciale ce qui freine la croissance.La majorité des économistes de gauche ou de droite partage ce diagnostic d'érreur fondamental .C'est pourquoi je pense que le role d'I.E.S.est d'aider la gauche historique et réformiste à accélérer sa mutation qui à commencer et non pas de se fourvoyer dans la chimère d'un pole de gauche,minuscule,dans une force structurellement à droite.Rappelons nous le sort des gaullistes de"gauche"alors meme qu'un centrisme réformiste vient de se créer en opposition à la droite.
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M
Il se confirme qu'un des seuls responsables capables de penser et de vouloir la rénovation du PS est Manuel Valls....Je constate qu'il approuve, en grande partie, la politique d'immigration de Nicolas Sarkozy, la réforme du système de retraite des régimes spéciaux et que nettemant favorable à l'économie de marché, il plaide contre l'étatisme...........La rénovation du PS ne pourra se faire qu'en adoptant les principes et les objectifs de Nicolas Sarkozy.....C'est pourquoi elle ne se fera pas.....C'est pourquoi nous devons soutenir la création d'un mouvement  de gauche et de centre gauche, clairement situé  au sein de la majorité présidentielle......
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D
Je pense au contraire de vous Marc qu'il y a une majorité pour cette "refondation", peut-être pas au PS institutionnel mais parmi les sympathisants du PS, ceux qui ont souvent voté Bayrou en mai dernier. ou qui se sont abstenus au second tour.  Et même parmi les militants, les débats sur divers blogs montrent un véritable schisme entre les nouveaux militants qui se méfient des classiques éléphants et les militants traditionnels habitués à se mouvoir dans les querelles d'appareils. Il y a une vraie place pour ce discours authentiquement de gauche, parce que, quoiqu'on dise, il y a encore une différence, même si les lignes ont bougé et qu'elle ne s'exprime plus comme celle d'hier. Merci donc à Bernard Poignant pour ce papier qui rassure et montre la voie comme les Gracques le font à leur manière, et comme de plus en plus de voix isolées le répétent. Un point vraiment important à mes yeux : oui il faut savoir faire abstraction du rythme des élections, c'est même une nécessité absolue et vitale si l'on ne veut pas vivre ce qui a tué le MoDem en juin dernier. Mais cela demande un grand courage,et un fort esprit de sacrifice : c'est pourquoi sans doute il vaut mieux placer ses espoirs dans les hors système, les marginux. C'est une constante de la conduite du changement : il faut toujours s'appuyer sur les exclus et les marginaux car ils sont les seuls à vouloir réellement que cela change. Reste à trouver le moment où ils en auront non seulement la volonté mais aussi la possiblité. Il faut donc accepter d'être patient et ne pas tout sacrifier aux contraintes électorales.
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M
Je ne suis pas persuadé que la rénovation du PS puisse s'engager sur ces bases.....Il n'y aura pas de majorité pour la vouloir encore moins pour la réaliser......J'apprécie en tous cas particulièrement vos efforts (je les avais déjà observés il y a quelques années...) pour faire disparaître cette ridicule diabolisation du mot  libéral (et sans doute de l'idée libérale)....
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