Interrogations et désarrois d'un "Social libéral"

Publié le par Ludovic

En prolongement de  l’article « Bockel et la progression de Bayrou »….

 

Une très bonne analyse de la part de Jean-Marie BOCKEL ! Cela ne me surprend pas. Sympathisant et "électeur" PS depuis que je suis en âge de voter (1993), je me suis toujours considéré de "centre gauche" et proche de la sensibilité "sociale-libérale" : celle de Jean-Marie BOCKEL, de Marc d'HERE ou, à la limite, celle de DSK.

J'ai naturellement été séduit en 2006 par la tentative réformiste et l'approche moderniste alors présentée par Ségolène Royal. Depuis, la candidate m'a déçu, non pas à cause de supposées "bourdes" (qui sont en réalités des petites maladresses très instrumentalisées par la droite), mais en raison de ses clins d'oeil contre-productifs à l'extrême gauche depuis janvier 2007.

Je n'ai pas compris ce re-positionnement de Royal. Ou plutôt, j'ai compris qu'il s'agissait pour elle de se "garantir" l'hypothétique report de voix, au second tour, des électeurs de la gauche extrême, qui représentent au maximum 4 à 5 % des votes, à comparer avec les 10 à 15 % de sympathisants centristes (les "vrais UDF", pas les "convertis" PS "pro-Bayrou" de ces dernières semaines). Au risque de répéter l'erreur de 2002 de considérer que le premier tour est déjà joué. Or, une présidentielle se gagne toujours au centre.

Bref, Mme Royal est surtout mal conseillée, alors qu'elle a un fort potentiel réformiste qui serait efficace, en terme d'adhésion populaire, si elle maintenait une ligne cohérente de modernisme social-libéral et de centre-gauche. A-t-elle, comme Nicolas SARKOZY, de vrais et bons conseillers en communication dont c'est le métier ? J'en doute.

Résultat : BAYROU "ramasse" actuellement la mise et il semble qu'il a récupéré tout le "potentiel" électoral laissé en jachère par Royal. Rien n'est jamais écrit à l'avance, mais la cristallisation des votes est en train de se faire et probablement Ségolène ne rattrapera plus son retard stratégique, sauf surprise ... Si la campagne est "perdue" sur un point, ce sera d'abord sur celui du POSITIONNEMENT de la candidate, devenu incompréhensible, et non sur une pseudo-incompétence mise en vedette par les médias (Ségolène n'est pas incompétente, elle est mal ou pas conseillée et surtout elle n est pas cohérente).

Cela ne m'empêchera pas de voter Ségolène Royal au premier tour, par loyalisme à mon camp, fidèle à ma ligne de vouloir, pour l'instant, favoriser le réformisme "de l'intérieur" du PS. Je ne souhaite pas faire l'erreur de tous ceux qui, également sympathisants du PS, vont voter BAYROU au 1er tour, avec le risque d'éliminer une nouvelle fois la gauche dès le 1er tour.

Mais, pragmatique, je suis bien conscient que, paradoxalement, si Ségolène est qualifiée au 1er tour face à Sarko, c'est le candidat UMP qui sera vraisemblablement élu (là encore, sauf surprise de dernière minute, jamais à exclure...). Dans le cas où la candidate de la gauche réformiste serait effectivement battue dès le 1er tour, dans l'hypothèse d'un 2nd tour BAYROU/SARKOZY je n'aurai d'autre choix, à ce moment-là, de voter pour le candidat centriste, sans être dupe de son imposture "ni-droite, ni gauche".

Je ne suis pas le seul sympathisant de centre-gauche à partager ce désarroi face à la faiblesse actuelle du courant social-libéral en France, qui ne laisse que des "choix par défaut" (dans le cas de Bayrou). Je suis surtout très amer à l'égard des leaders du PS, qui ne soutiennent pas réellement leur candidate ou la torpillent en l'attirant dans le piège de la gauche radicale (surenchère au PS !). Ils ne jouent pas vraiment le jeu. Le PS ne fait vraiment pas une bonne campagne : erreurs de communication, erreurs de positionnement, défaut de représentativité de la société (beurs, femmes, jeunes, etc) à la différence de Sarko qui a su intégrer les nouvelles générations dans son dispositif.

Le PS me semble en panne, d'inspiration et d'énergie. Je me pose ainsi le problème : si Ségolène est éliminée dès le 1er tour et que les "éléphants", responsables de la défaite peut-être davantage que leur candidate, s'avisent d'en faire une bouc-émissaire et de tenter une reconquête du PS, alors là je crois que je vais me poser la question de savoir si j'ai encore ma place dans ce qui me semblera être un parti "rétrograde" et non-réformable.

Il faudra peut-être alors songer, avec d'autres, à favoriser l'émergence d'un vrai centre-gauche,  quitte à accepter une alliance avec le centre bayrouiste ? Mais pas une fusion.

La fidélité à mes idées et à mon camp ne suppose pas la fidélité inconditionnelle à un appareil du PS, si ce dernier est déloyal à l'égard de sa candidate et des 60% de militants qui ont voté pour elle en novembre 2006. Jean-Marie BOCKEL représente un courant pragmatique et réformiste à gauche dans lequel je me reconnais, mais je regrette qu'il soit marginalisé au sein du PS.

 

Je me défini politiquement comme un sympathisant PS "désillusionné" par l'hypocrisie répétée de l'appareil socialiste (des sociaux-libéraux en privé qui se présentent comme des pseudo-marxistes en public) et par son autisme électoral suicidaire. Je suis pour un rapprochement logique et pragmatique du PS avec l'UDF ; d'ailleurs la gauche réformiste et le centre sont alliés chez la plupart de nos voisins européens.

 

Je considère le phénomène Bayrou avec ouverture et une relative sympathie, cependant teintée d’un scepticisme concernant son positionnement politique : sincérité de sa part … ou bien simple (im)posture tactique ? S’il s’agit pour lui de « siphonner » le PS à court terme et de ne faire en contrepartie aucune concession idéologique réelle au centre-gauche (dans le sens de compromis sincères –sur le fond- pour rassembler sur le long terme), sa démarche est inévitablement vouée à l’échec, car cela apparaitra comme une supercherie et la déception sera d’autant plus grande chez les sympathisants centre-gauche qui lui ont provisoirement  apporté « crédit ».  Plus encore, je regarde avec franche méfiance les nombreux « ralliements individuels» actuels « de dernière heure » provenant de personnalités issues du PS et du centre-gauche ; ces prises de position me semblent parfois peu crédibles … Je regarde également avec inquiétude le déplacement de nombreux électeurs du centre-gauche qui « désertent » le vote PS.

 

La prudence actuelle de Marc d’Héré et de son mouvement au sujet d’un éventuel ralliement trop rapide et inconditionnel à Bayrou me semble très bonne conseillère, tout en reconnaissant le potentiel de rapprochement entre centre-droit et centre-gauche, dont les modalités ne doivent pas être définies, selon moi, sans et contre le PS (ni sans et contre l’UDF, du point de vue PS). Pour que le PS accepte de gouverner avec l’UDF, un choc salutaire (mais lequel ?) est sans doute nécessaire au sein de ce parti… Viendra-t-il des résultats électoraux de cette campagne présidentielle ?


Ludovic, 32 ans, Chargé de mission au sein de l'administration nationale, Paris.

 

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M
Je comprends très bien votre désarroi et vos questions Ludovic,..Votre analyse et vos objectifs, en tous cas sont bien proches des nôtres...Je ne peux que vous dire "rejoignez -nous", et continuez à échanger avec nous.
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J
> Cela ne m'empêchera pas de voter Ségolène Royal au> premier tour, par loyalisme à mon campCe n'est pas grave, vous pourrez voter pour François Bayrou au second tour. On se fait plaisir au premier tour et on vote utile au second...D'accord, j'exagère... Mais sur le fonds je pense quand même que c'est un scénario crédible.Merci en tous cas d'avoir partagé avec nous votre raisonnement.
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B
Quand même !<br /> Les 2 meilleurs bretteurs politiques ont certes survécu aux cohabitations mais dans quel état pour eux et pour nous ! Cette élection est nouvelle combinaison - présidentielle plus législatives - pour la Vème. Merci M Bayrou de la révéler. Personne ne sait ce qui se passera. Mais la question des partis et de leurs évolutions internes est plus essentielle que l\\\'individualité des candidats même si plus inconfortable pour notre sens des responsabilités civiques. Merci à Gabriel C B de nous le rappeler.<br />  jm bouquery
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F
Un colloque pour les europhiles :<br /> <br /> La Fondation pour l’innovation politique et le Centre d'Etudes européennes de Sciences Po ont le plaisir de vous inviter à la demi-journée d'études « Les Européens face à la mondialisation », organisée le mercredi 21 mars 2007 de 15h à 19h15 à l'occasion de la parution de l'étude Les Européens face à la mondialisation (Fondation pour l'innovation politique, mars 2007), mise à votre disposition lors de cette manifestation<br /> <br /> Introduction<br />  <br /> <br /> Par Jean-Claude PAYE, Président de la Fondation pour l'innovation politique, ancien Secrétaire général de l'OCDE<br />  <br /> <br /> Les Européens ont-ils la même perception de la mondialisation ? (15h10 - 17h)<br />  <br /> <br /> Présentation de l'étude Les Européens face à la mondialisation (Fondation pour l'innovation politique, mars 2007) et discussion avec les experts du rapport.<br />  <br /> <br /> Animée par Elvire FABRY, Directeur Europe, Fondation pour l’innovation politique Avec les interventions de : François BAFOIL (Directeur de recherche CNRS/CERI, Pologne) | Bruno CAUTRES (Chercheur, CEVIPOF-Centre de recherches politiques de Sciences Po, France) | Colin HAY (Professeur de Sciences politiques, Université de Birmingham, Royaume-Uni) | Aksel KIRCH (Directeur, Institut d’Etudes européennes de l’Université internationale de Audentes, Estonie) | Gianfranco PASQUINO (Professeur de Sciences politiques, Université de Bologna et Professeur à l’Université Johns Hopkins-Bologna Center, Italie) | Ismael SANZ (Professeur d’économie, Université Complutense de Madrid, Espagne) | Henrik UTERWEDDE (Directeur adjoint, Institut franco-allemand de Ludwigsburg, Allemagne)<br />  <br /> <br /> Faut-il se protéger contre la mondialisation ? (17h30 – 19h)<br />  <br /> <br /> Animé par Renaud DEHOUSSE, Directeur, Centre d'Etudes européennes de Sciences Po Avec les interventions de : Jean ARTHUIS (Sénateur, Président de la Commission des finances, ancien Ministre de l’Economie et des Finances) | Harlem DESIR (Eurodéputé, Vice-président du groupe socialiste) | Zaki LAIDI (Chercheur au CERI, Professeur à l’IEP de Paris) | Hervé NOVELLI (Député, Membre de la Commission des Finances) <br />  <br /> <br /> Conclusion<br />  <br /> <br /> Par Catherine COLONNA, Ministre déléguée aux Affaires européennes<br />  <br /> <br /> <br /> Ecole nationale d'administration Amphithéâtre Jean Moulin 13, rue de l'Université, Paris 7e(Métro Rue du Bac - ligne 12)<br />  <br /> <br /> Accès gratuit sur simple inscription(le nombre de place est limité)<br />  <br /> <br /> > Inscription en ligne > E-mail : contact@fondapol.org > Tél. : 01 47 53 67 00 > Fax : 01 44 18 37 65 <br />
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L
Eh bien, le problème est là : la présidentielle n'est pas un combat entre des partis. Quand Ségolène Royal apparaissait sûre d'elle, de ces choix, exprimait clairement à la fois son autorité sur certaines questions, et à la fois son profond engagement pour la réforme, les français la suivaient. Depuis qu'elle apparaît comme une candidate qui écoute tout le monde, et essaye de ne déçevoir personne, la posture est trop médiatique, les slogans trop clinquants pour apparaître sincères. Le problème est le même pour Sarkozy, qui fait de la surenchère à droite avec l'immigration et l'identité nationale.<br /> Les français attendent avant tout de la sincérité, de l'honnêteté, pas qu'on leur promette la lune. François Bayrou apparaît comme un candidat modéré, qui ne cherche pas à faire gagner un parti, une idéologie, mais cherche simplement à changer les choses dans le respect de tous. Beaucoup attendent cela.
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