Français, nos amis Européens attendent

Publié le par Thierry Soret

La campagne présidentielle française fait parfois quelques incursions sur le fond et il faut savoir goutter ces moments. C’est arrivé, lors d’une conférence organisée conjointement par Confrontations Europe, European Policy Center et la Fondation pour l’innovation politique à Bruxelles sur le thème : « la France et l’Europe à la veille de l’élection présidentielle : réconciliation ou divorce ? »

Les attentes, mais aussi les doutes, des Européens à l’égard de la France sont profonds. Après des rendez-vous manqués (compromis budgétaire de 2002 pour préserver la PAC, coup de force contre le Pacte de Stabilité, rodomontades contre les nouveaux membres lors de la guerre en Irak...) et presque deux ans de silence depuis le Non au référendum, nombreux sont ceux qui considèrent que la France s’est marginalisée. Alexander Stubb (député finlandais) se montre « inquiet sur l’état du débat européen en France, soulignant une crise existentielle et de confiance » et Witlold Orlowski (Business School de Varsovie) craint « qu’entre la réconciliation et le divorce, le risque est celui d’une cohabitation qui ne règle rien ». Pour Ulrike Guerot (German Marshall Fund), « La France boude la nouvelle Europe, car elle réalise que c’est la fin de sa projection », ce qui incite Paul Magnette (ULB, Bruxelles) à souhaiter « une offre politique européenne nouvelle, notamment à gauche ».

Pour autant, si chacun reconnaît que la crise de confiance et d’identité européenne n’est pas propre à la France, tous s’accordent aussi sur l’impossibilité d’avancée européenne avec un frein français. Le rendez-vous de l’élection présidentielle, avant le Conseil européen dit de « relance », devient une échéance décisive car « la France a besoin pour elle-même d’une nouvelle ambition européenne », souligne Ulrike Guerot, sans faire preuve d’optimisme.

Que proposent alors les représentants des principaux candidats ? Benoît Hamon pour les socialistes se prononce pour une perspective constitutionnelle avec « une renégociation de la partie III, puisque les parties I et II ne sont pas contestées » pour répondre aux grands défis communs (mondialisation, climat, démographie). Alain Lamassoure pour l’UMP est favorable à la renégociation d’un « traité ordinaire », autrement dit institutionnel, dès 2007, avec la révision budgétaire de 2008 en perspective pour obtenir des progrès en matière de gouvernance économique, d’énergie ou de politique étrangère. Au nom des communistes, Daniel Cirera s’interroge sur la nature de la crise européenne « à l’origine des Non », plus profonde de son point de vue que la seule problématique institutionnelle, et appelant à une « véritable prise de conscience ». Enfin, Jean-Marie Beaupuy, pour l’UDF, inscrit son approche dans le contexte de l’Europe des 27, et veut afficher « une volonté politique ancrée dans un pragmatisme », qui débouche sur « un accord fonctionnel » avec des avancées pour la compétitivité et l’environnement par exemple.

Au total, l’effort constructif est louable. Mais ces propositions répondent-elles vraiment aux attentes et s’inspirent-elles des ambitions de nos amis européens ? Sont-elles susceptibles d’(ré)engager une démarche commune positive ? Faute de prendre en compte les positions de nos partenaires, nous sommes loin du compte. Or, il y a urgence à renouer les fils avec eux tant sur le plan des objectifs, que de la méthode et de l’agenda d’une relance européenne. Les bases d’un compromis ne sont pour l’instant pas établies. Le nouveau Chef de l’Etat devra agir vite, et les candidats à la présidence de la République seraient bien inspirés, non seulement de faire de cette campagne électorale un moment de débat national sur l’Europe, mais aussi de travailler à une option de relance qui puisse constituer une base de négociation solide.

Philippe Herzog a proposé, dans ce débat, une démarche ambitieuse et réaliste autour d’« un nouvel Acte unique »  qui vise un point d’équilibre. En faisant avancer l’Europe sur ses deux pieds ,on peut, en effet, faire coup double : restaurer une ambition partagée entre les Etats membres et donner perspectives et confiance à des opinions en proie au doute. La balle est lancée, comme le temps est compté, il faudrait s’en saisir : Français, ne nous faisons plus attendre !

Thierry Soret

pour Confrontations Europe: http://www.confrontations.org

 

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M
Les dirigeants européens ont adopté dimanche, pour les 50 ans de l'Union européenne, la "Déclaration de Berlin" qui fixe 2009 pour parvenir à un nouveau traité après l'échec de la Constitution européenne. <br />  <br /> La chancelière allemande, présidente en exercice de l'UE et les présidents de la Commission et du Parlement européens ont signé en grande pompe ce document au Musée historique allemand, un palais sur l'avenue Unter den Linden, en présence des chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'Union européenne.<br />  <br /> Cette déclaration vise à relancer l'Europe après la crise institutionnelle provoquée par le rejet du traité constitutionnel en 2005 par les Français et les Néerlandais.  (dépêche AFP).....<br />  
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J
La Fondation Robert Schuman vient d'éditer un ouvrage dans la série de ses fascicules bleu " Réflexions d'un ancien conventionnel sur la relance européenne" signé de Hubert Haenel .
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