Sarkozy, un homme de droite, une politique du centre
Beaucoup s’étonnent de voir des hommes et des femmes du centre, du centre gauche, voire de gauche soutenir Sarkozy. Ils jugent même cela inconcevable et scandaleux. Alors, tout naturellement, ils se laissent aller à accuser ceux qui font ce choix d’être des naïfs qui se laissent berner, ou plus souvent encore des ambitieux sans convictions qui se laissent « acheter ». Cela est évidemment absurde, en tous cas pour la majorité de ceux qui s’engagent en ce sens, et il existe en réalité d’autres explications à leur choix
Tout d’abord on peut convenir que le clivage entre gauche et droite n’est plus aujourd’hui le plus important, le plus décisif. Certes les sensibilités de droite ou de gauche existent toujours mais elles sont devenues secondes dans la détermination du choix politique. Le clivage essentiel aujourd’hui sépare les réformistes qui veulent le changement et ceux qui choisissent l’immobilisme et le repli sur soi…..S’il y a des partisans de l’un et de l’autre aussi bien à droite qu’à gauche, force est de reconnaître que Nicolas Sarkozy se place résolument dans le camp du changement et ceux qui, à gauche, le soutiennent, le font d’abord pour cette raison, rejetant le conservatisme de la gauche institutionnelle et du PS en particulier.
Autre clivage important, celui qui sépare les « libéraux » des « étatistes »….Et de même qu’ il existe des étatistes de droite et des étatistes de gauche il y a des libéraux de droite et des libéraux qui se réclament du centre ou de la gauche…..Nicolas Sarkozy est plutôt un libéral (avec, il est vrai quelques réserves), alors que la gauche et le Parti socialiste s’affirment franchement étatistes….Ce qui explique là encore que, tout naturellement, les militants libéraux de gauche ou « sociaux libéraux » se sentent plus proches de Nicolas Sarkozy que du PS.
Mais, nous dira t-on, même en admettant ce qui précède, il n’en reste pas moins que Nicolas Sarkozy est de droite, qu’il se revendique d’ailleurs comme tel. Des hommes ou des femmes qui se reconnaissent dans les valeurs de la gauche et adoptent ses objectifs, ne peuvent soutenir un homme aussi manifestement de droite, s’engager sans malaise à ses côtés, mener avec lui une politique qui par définition ne peut être qu’une politique de droite .
Il est vrai que Nicolas Sarkozy s’affirme de droite. Sa tradition, sa filiation, ses réflexes, certaines de ses déclarations, ses méthodes parfois, sont d’un homme de droite. Pourtant, à bien y regarder, son projet, ses principales orientations et la plupart de ses décisions ne sont pas de droite, mais pourraient plutôt être qualifiés de… centristes. Bien sûr, quand on évoque le « centre » il ne s’agit pas, dans son cas, du « centre mou », sans volonté et sans colonne vertébrale qui a été la marque des centristes sous la Vème République….Il ne s’agit pas davantage du « centre vide », sans vision et sans propositions, que représente parfaitement François Bayrou. Il s’agit plutôt de ce que l’on pourrait appeler un « centre positif » ou « un centre volontariste », s’appuyant sur quelques principes forts tels que la responsabilité, l’équité, l’efficacité, et pouvant largement rassembler autour de choix clairs une majorité de citoyens. Un centre dont on pourrait trouver un modèle chez Tony Blair ou Gordon Brown.
Sarkozy centriste, on le constate d’abord dans sa politique étrangère et européenne. Alors que, sous l’impulsion du duo Villepin - Chirac, et avec le soutien de la gauche, la politique extérieure française était dominée par un anti-américanisme quelque peu sectaire, Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner la recentrent et, tout en rejetant le suivisme à la britannique, adoptent une attitude plus équilibrée et plus constructive vis-à-vis des Etats-Unis mais aussi vis-à-vis d’Israël et du Moyen-Orient. Dans le même temps ils prennent des initiatives utiles pour la paix et les droits de l’homme dans le drame du Darfour ou la crise libanaise….Centriste aussi, et les partisans de l’Europe qu’ont toujours été les militants du centre et du centre gauche l’apprécient particulièrement, la politique consistant à relancer la marche vers l’union de l‘Europe, à permettre à la France d’y reprendre sa juste place, et à adopter une attitude ouverte vis-à-vis des « petits » pays d’Europe de l’Est, auxquels son prédécesseur demandait de se taire !
Sarkozy centriste, de ce centrisme volontariste et positif, on le trouve aussi dans son attitude vis-à-vis de l’environnement, sans doute une des questions décisives des années qui viennent, traditionnellement négligée par la droite et abusivement politisée par la gauche. C’est le grand ministère d’Etat de l’environnement à la responsabilité plus étendue que partout ailleurs en Europe…. C’est le Grenelle de l’environnement qui sera sans doute le lieu et l’occasion d’une concertation largement ouverte, comme il n’y en a jamais eu dans notre pays et qui devrait permettre la mise en œuvre de politiques ambitieuses et de long terme favorables à l’environnement et au développement durable.
Centriste aussi la volonté de moderniser l’Etat, de réformer son fonctionnement tout en veillant à préserver son rôle et son autorité, d’alléger son coût global tout en améliorant le revenu des fonctionnaires, particulièrement celui des plus méritants et des plus efficaces.
C’est aussi la politique menée pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés par une plus grande liberté donnée au travail, par la défiscalisation des heures supplémentaires et leur meilleure rémunération, par les facilités accordées à l’accession au logement. Une politique pour l’emploi qui vise à favoriser les créations de nouveaux emplois plutôt que la défense d’emplois obsolètes, qui responsabilise les acteurs, se prépare à expérimenter des mesures incitatives telles que le RSA de Martin Hirsh…..
C’est une politique économique favorisant la croissance, jouant à la fois sur le soutien à la consommation, l’encouragement à l’initiative et une politique de l’offre.
C’est aussi dans le domaine de l’immigration la volonté de concilier une maîtrise des flux migratoires avec une politique de co-développement, une véritable intégration, échec absolu de la gauche comme de la droite, et un plan ambitieux pour les quartiers difficiles (où sont aujourd’hui concentrés les immigrés…)…C’est la réforme de l’école et de l’université qui doit en faire des instruments efficaces de la réussite individuelle et collective comme de l’égalité des chances.
Centriste encore, Nicolas Sarkozy l’est à coup sûr dans la manière dont il a recours, pour chaque réforme, à la négociation ou à la concertation. Dans la manière aussi dont il pratique l’ouverture, en nommant le gouvernement le plus divers et le plus ouvert que l’on ait jamais connu en France, en confiant à des personnalités du centre ou de gauche des responsabilités dans des commissions (y compris parlementaires), et en demandant à l’UMP de faire les listes les plus ouvertes possibles pour les élections municipales……..
Voilà de bonnes raisons pour que des responsables, des militants, des citoyens à la sensibilité de gauche ou de centre gauche, sociaux libéraux et réformistes, refusant le sectarisme et le conservatisme, n’aient aucune difficulté à soutenir l’action du Président de la République et à agir au sein de la majorité présidentielle. Ils peuvent, sur certains points, à l’occasion de certaines déclarations éprouver des réticences, c’est vrai, mais ils en éprouveraient tellement plus si c’était le programme de la gauche qui devait s’appliquer. Et ils ont l’ambition et la volonté d’influer sur les décisions à venir en contribuant à ce qu’elles prennent encore davantage en compte la solidarité et la lutte contre les inégalités …
Nicolas Sarkozy un homme de droite ? Sans doute, puisqu’il le dit lui-même …Mais qui propose aujourd’hui la politique dont la France a besoin, une politique que peuvent approuver sans difficulté des hommes et des femmes à la sensibilité sociale, ouverts et attentifs à l’intérêt général, une politique qu’ils peuvent loyalement soutenir sans renoncer ni à leur identité ni à leurs valeurs.
Marc d’Héré