Quelques réflexions à propos de l'ouverture en politique

Publié le par Jean-Louis Caccomo

De Jean-Louis Caccomo, qui poursuit sur notre blog ses chroniques d'espérance....

Alors que les commentateurs de l’éphémère, toujours prompts à annoncer le grand soir, s’excitent à propos de turbulences financières qui font pourtant partie intégrante d’un processus économique duquel il est impossible d’éliminer l’aléa et le risque (et qui sont largement induit par l’aléa moral généré par l’existence d’un prêteur en dernier ressort comme la banque centrale), j’ai profité de ces temps estivaux pour prendre du recul sur l’agitation quotidienne et les rencontres savantes. Le temps de laisser se former quelques pensées à propos de l’ouverture en politique, thème qui a marqué le début de mandat de notre nouveau président mais qui a pris à contre-pied tant de militants. Après Attali, l’auteur de « l’anti-économique » sollicité pour réfléchir sur la croissance, Lang, DSK, voilà que Rocard rejoint l’incroyable navette des mammouths du socialisme français – sur fond d’agonie du PS – appelés à jouer un rôle au plus haut niveau gouvernemental. Il n’y a qu’en France qu’une vague bleue, présentée par certains médias désorientés comme une menace pour la démocratie, se transforme en marée rose.

 Comment souvent dans les phénomènes humains et sociaux, notamment en économie et en politique, les choses ne sont jamais simples. Il est vrai que le clivage gauche/droite, comme tout clivage d’ailleurs (bien/mal, vrai/faux, chaud/froid, grand/petit), est marqué de nombreuses limites. Mais comme tout clivage, il apporte des repères dans le paysage politique qui sont source de clarification et permettent les positionnements. Car aucune évolution n’est possible sans repères, aussi conventionnels et arbitraires soient-ils. Il faut ne pas avoir de culture politique pour dire qu’il n’y a pas de différences fondamentales et fondatrices entre les familles politiques de la droite et les familles politiques de la gauche. Quand on revient à la source des valeurs, les projets politiques qu’elles sous-tendent sont proprement inconciliables. Bien sûr qu’il y a des gens compétents des deux côtés, comme il y a des gens intolérants et bornés dans toutes les familles politiques. Un dictateur, qui voudrait construire une société totalement dirigée par un parti unique et omniscient, s’entourera de gens compétents, notamment dans la milice (où il engagera des spécialistes compétents de l’intimidation et de la torture). Pour autant, il y a des compétences dont on se passerait bien tandis qu’il existe des compétences (capacité à innover, aptitude à créer des richesses) qui nous font cruellement défaut.

Si un ministre de l’économie s’entoure de deux économistes appartenant à des familles de pensées différentes, le fait qu’ils soient tous deux compétents dans leur domaine respectif ne changera pas le fait que leurs positions seront inconciliables. Ainsi, lorsqu’il s’agit de faire des choix fondamentaux, notamment dans le domaine de la politique d’une nation comme la France, il faut nécessairement trancher et adopter des positionnements clairs. De ce point de vue, la campagne du candidat Sarkozy fut relativement claire et c’est pourquoi elle s’est traduite par un ralliement massif et sans précédent.

 Dans cette perspective, la stratégie d’ouverture a suscité dans mon esprit quelques doutes et interrogations. D’abord, a-t-on jamais vu un gouvernement de gauche franchement élu faire appel à des personnalités de droite ? Dans ce cas, la gauche a plutôt tendance à mettre en selle les personnalités de son camp, quitte à donner des strapontins à l’extrême gauche. Mais c’est somme toute normal. Alors pourquoi une droite, que l’on nous présente comme décomplexée, se sent-elle obligée de donner des preuves de sa bonne foi et des gages de tolérance ? Au même moment, la gauche syndicale fait front et se prépare à bloquer toute tentative sérieuse de réformes alors que notre pays peine à sortir de l’impasse dans laquelle il s’est fourvoyé depuis plus de trois décennie, conduisant à une détérioration inexorable des comptes de la Nation (déficit et dette publics, déficits sociaux). A son tour, l’opposition politique, avec ce qui reste du parti socialiste, loin d’adopter une attitude constructive, s’évertue à critiquer quoique fasse un gouvernement de droite, alors que le plus souvent, ce gouvernement ne fait que reconduire des principes mis en place par une gauche persuadée d’avoir toujours raison en tous domaines.

 L’ouverture a de quoi ébranler même les esprits les plus aguerris à la chose politique. Et puis, comment des personnalités comme Jacques Attali ou Jack Lang, qui n’ont eu de cesse, le long de toute leur carrière politique, de critiquer la droite, de fustiger Sarkozy, de croire au socialisme réel, d’admirer un certain temps les réalisations de l’union soviétique, de prédire la débâcle du capitalisme et de fustiger le libéralisme, peuvent-elles se prêter à ce jeu de l’ouverture en acceptant les responsabilités et les missions que leur a confié le président Sarkozy ? N’ont-ils aucun amour propre à se complaire dans la contradiction ? C’est à se demander si leur seule et unique motivation n’est pas d’avoir de belles places au sommet du pouvoir ? C’est précisément cet opportunisme qui a miné la crédibilité de la classe politique.

Les cent premiers jours sont passés et l’avenir nous dira si l’ouverture fut seulement un effet d’annonce, une éblouissante diversion ou une stratégie puissante permettant de désamorcer d’inévitables conflits.

 Jean-Louis Caccomo,

http://caccomo.blogspot.com/

Publié dans Réflexion politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Je pense que l'ouverture pratiquée par Nicolas Sarkozy, et qui va se prolonger pour les élections municipales, est  d'une  grande importance démocratique et stratégique.....Par le nombre des responsables concernés, par leur qualité, par l'importance des fonctions qui leur sont confiées, elle est bien différente de celle tentée par Rocard en 1988.....
Répondre