Gauche et Droite, des références permanentes en transition

Publié le par Nicolas Tenzer

 

Nicolas Tenzer m’adresse ce texte, paru il y a quelques jours dans Le Figaro, et qui me semble suffisamment déconnecté de l'élection présidentielle pour être publié aujourd'hui

 

 Ne surestimons pas la valeur des références doctrinales et des idéologies

dans une élection présidentielle dont les ressorts tiennent en large partie

aux personnalités, à leur pouvoir d'attraction aussi bien qu'à leur

dimension répulsive. Il reste que, même si les divergences internes à chaque camp et les accords sur de nombreux thèmes sont profonds,

le clivage entre la gauche et la droite reste une donnée permanente du conflit politique. Le constat est sans doute banal ; il nous faut cependant l'interpréter avec rigueur. D'abord, il ne signifie pas que le clivage ne se modifie pas et qu'il ne fait que traduire un retour à des références fondamentales et intangibles ; ensuite, il ne veut pas dire que l'héritage de la gauche ou de la droite soit un ; enfin, il laisse intacte la question de l'adaptation de  chacun des modèles à l'évolution du monde.

 

Certes, il sera aisé d'identifier des dominantes dans les doctrines de la

gauche comme de la droite : la priorité donnée à l'égalité, le

constructivisme social, autrement dit l'idée qu'on peut en grande partie

façonner la société, le perfectionnisme - c'est-à-dire la certitude qu'on

peut rendre toujours chaque homme meilleur qu'il ne l'est -, font partie du

fonds commun de la gauche. On pourrait dire que, fondamentalement, la gauche

se caractérise par le souci de l'émancipation. Mais la reconnaissance de ces éléments premiers ne donne pas nécessairement lieu à une tradition similaire en termes de politique concrète : l'instrument fiscal de lutte contre les inégalités n'est pas nécessairement premier, car il est loin d'être toujours le plus efficace ; le constructivisme n'implique pas la méconnaissance des réalités économiques ; le perfectionnisme ne suppose pas la négation du fonds anthropologique humain, avec ce qu'il peut receler de noir. La droite n'est pas en reste dans les adaptations nécessaires de sa doctrine ; il lui est impossible de souscrire à un naturalisme qui la préserverait de toute perspective de transformation sociale ; elle ne peut refuser, jusqu'à un certain point, de combattre les inégalités, y compris d'ailleurs dans la perspective de préservation de l'ordre social auquel elle est attachée. Une

bonne partie de la droite est heureusement sensible aux risques politiques,

sociaux et économiques d'un renoncement aux objectifs d'éducation la plus

large possible.

 

Nous avons pu aussi montrer que le libéralisme bien compris pouvait avoir

des vertus progressistes - et chacun sait que l'Europe, la nation, le rôle

de l'Etat, la question de l'autorité même ne déterminent plus les clivages

entre la droite et la gauche. Le problème politique majeur aujourd'hui est

de redonner une cohérence à chaque camp, sans qu'il doive forcer sa

dimension idéologique par une surenchère dictée par les extrêmes de chaque

camp et afin qu'il tienne compte de ce qui constitue la priorité première

pour chaque camp, c'est-à-dire assumer la dimension européenne et mondiale

de tout projet viable et digne de ce nom, ce qui veut dire concrètement

reconnaître notre impératif de puissance.

 

La difficulté sera assurément - et l'on comprend que la synthèse n'ait pas

encore été trouvée - de combiner l'impératif d'enthousiasme, sans lequel il

n'y a pas d'adhésion durable mais seulement une légitimité virevoltante, et

le plus strict réalisme. Cela signifie aussi assumer pleinement le fait que

les marges de manoeuvre ne sont pas indéfinies pour tout, en particulier dès

lors qu'il s'agit de notre inclusion dans le monde, mais qu'il existe, par

ailleurs, de nombreux choix possibles, en matière sociale, dans l'

organisation de nos institutions, en matière de vie en société, de

reconnaissance et de limitation de la diversité, mais aussi de politique

étrangère et de ce qu'il faut bien appeler une politique de la civilisation.

Donner une cohérence de gauche et de droite à tout ceci, tel sera, pour la

majorité et pour l'opposition, le travail du prochain quinquennat. La

marginalisation des partisans des politiques impossibles devrait y aider.

 

Nicolas Tenzer[1]

 

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[1]Président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique

(CERAP), directeur de la revue Le Banquet. Derniers ouvrages parus : Faut-il

sauver le libéralisme ? (avec M. Canto-Sperber), Grasset, 2006 et Pour une

nouvelle philosophie politique, PUF, 2007.

Publié dans Réflexion politique

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M
On ne te changera pas....Quel mot d'ordre?....Tu nous connais donc si mal?...Il n'y a pas de mot dordre chez nous....Et oui c'est comme ça....Tu trouves cela drôle, pas vrai?.....
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B
Crois tu ? Il parle d'opposition. C'est  un couac au mot d'ordre ! jmb
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M
Content que tu aies toi aussi apprécié ce texte....Quel dommage qu'il ait suscité peu de commentaires....Mais faudra peut-être le publier à nouveau dans un moment moins agité, plus propice à la réflexion...
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B
Et bien s'il n'y en a qu'un....Pardonnez leur, ils ne savent pas ce qu'ils lisent...;
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B
pour voir si ça passe....
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